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L’artificialisation des sols, quel impact environnemental ?

Dernière mise à jour : 2 mai

Depuis plusieurs mois, nous entendons régulièrement parler d’un projet qui a été très médiatisé, c’est la construction de l’autoroute A69 reliant Toulouse à Castres. Il n'est malheureusement pas le seul. Un important mouvement de contestation contre le chantier de l'A69 a permis de mettre en lumière l’impact de ces projets sur l’environnement et la biodiversité, à l'heure de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 qui a posé un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l'horizon de 2050...


 

En incluant ce chantier, ce ne sont pas moins de cinq autoroutes qui sont en attente de réalisation en France pendant qu’une autre vingtaine de projets attendent d’être acceptés. Mais de quoi parle-t-on quand on parle d'artificialisation des sols ? Il s'agit d'un processus induisant la « transformation d'un sol à caractère agricole, naturel ou forestier par des actions d'aménagement, pouvant entraîner son imperméabilisation totale ou partielle » d’après l’Insee. Chaque année en France, ce sont 24 000 hectares qui sont consommés selon les chiffres du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, représentant environ 5 terrains de football chaque heure. Ce phénomène, d’une envergure collosale, a ainsi un impact notoire sur l’environnement.


Feuille d'arbre sur bitume


Des dommages sur la biodiversité


Tout d’abord, il est important de rappeler que 30 % des impacts sur la biodiversité sont générés par ce phénomène selon les chiffres du gouvernement. L’artificialisation des sols induit donc clairement une perte de la biodiversité à une échelle locale, mais également plus globale. Ces typologies de travaux transforment les terres, les rendant inhospitalières pour le vivant, et même dangereuses pour la faune dans le cadre de routes. L’un des principaux impacts sur les espèces animales est la fragmentation de leur habitat. Cela consiste en une division de l’habitat d’un animal en plusieurs zones plus petites. Cela mène à un isolement des différents individus ou des populations locales (notion de perte de connectivité) qui va affecter les cycles biologiques des animaux et perturber ainsi l’équilibre présent dans le milieu (sans compter les risques de collisions avec les voitures dans le cas de voies de circulation). Un effet qui se mesure également sur un temps plus long, car la fragmentation de ces espaces nuit au développement de la diversité génétique de chaque population en limitant sa dispersion et son brassage. Enfin, l’artificialisation des sols induit une destruction directe des habitats et une raréfaction de la nourriture.


Annuellement, entre 20 000 et 30 000 hectares de terres naturelles, agricoles et forestières disparaissent en France, victimes de l'expansion urbaine, du développement des infrastructures et de la bétonisation croissante. Cette artificialisation des sols constitue l'une des principales causes de la diminution de la biodiversité.


Pelleteuse creusant le sol


Un système qui renforce le réchauffement climatique


Les sols jouent un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique en absorbant une partie significative du dioxyde de carbone (CO2) émis par les activités humaines. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), environ 30 % des émissions de CO2 sont capturées par les sols grâce à la photosynthèse des plantes, qui convertissent le CO2 en matière organique. Cependant, l'artificialisation des sols compromet ce processus vital. En supprimant la végétation présente sur ces terrains, elle entrave la capacité des sols à absorber le carbone atmosphérique. Cette situation se traduit par une libération accrue de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, contribuant ainsi au réchauffement climatique.


Mais l'impact de l'artificialisation des sols ne se limite pas à la perturbation de la capture du carbone par les plantes. En effet, lors du processus d'artificialisation, une grande quantité de matière organique présente dans le sol est retirée, généralement jetée, entraînant une libération massive de CO2 dans l'atmosphère. Cette libération contribue significativement au renforcement du réchauffement climatique à l'échelle mondiale. Ainsi, bien que superficiel, l'effet de l'artificialisation des sols sur la captation du carbone et la libération de CO2 dans l'atmosphère est un facteur important à considérer dans le contexte de changement climatique. Ce processus met en lumière l'urgence de préserver les sols naturels et de promouvoir des pratiques de développement respectueuses de l'environnement pour atténuer les effets néfastes sur le climat.


Au-delà de la simple transformation des sols, la construction de routes s'avère être une activité polluante et émettrice de gaz à effet de serre. La plupart des engins de chantier utilisés fonctionnent grâce à des énergies fossiles, tels que l'essence, générant ainsi des émissions de dioxyde de carbone et d'autres polluants atmosphériques. Que ce soit pour les pelles, les rouleaux compresseurs ou les raboteuses, ces machines ont un impact significatif sur l'environnement.


De plus, la construction d'autoroutes risque d'entraîner une augmentation du trafic routier. Actuellement, 97 % des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports sont dues à la combustion de carburant. Par conséquent, la construction de nouvelles infrastructures routières pourrait aggraver cette situation en augmentant le nombre de véhicules en circulation et, par extension, les émissions de gaz à effet de serre des automobilistes.


La fabrication des matériaux utilisés dans la construction des routes contribue également de manière significative aux émissions de CO2. Par exemple, les granulats, nécessaires pour former le bitume, représentent près de la moitié de la consommation totale de granulats extraits. De plus, l'étape de fabrication des matériaux représente environ 82 % de la consommation énergétique totale nécessaire tout au long du cycle de vie d'une route.

En France métropolitaine, la fabrication d'enrobés, leur transport et leur entretien sont responsables de près de 0,9 % des émissions totales de CO2.


Par conséquent, l'artificialisation des sols, particulièrement pour la construction d'autoroutes, alimente directement le réchauffement climatique en augmentant les émissions de CO2. Ce phénomène est causé par la construction elle-même, la transformation des sols naturels en surfaces artificielles, ainsi que l'augmentation potentielle du trafic routier induite par ces infrastructures.



Des effets délétères sur l’intégrité des sols


La transformation des sols, en particulier par l'imperméabilisation croissante des zones, exerce un impact dévastateur sur leur intégrité. Ce phénomène engendre une hausse alarmante des risques d'inondation, alimentée par plusieurs facteurs préjudiciables. En premier lieu, l'imperméabilisation des sols réduit considérablement leur capacité à absorber l'eau, exacerbant ainsi le phénomène du ruissellement. Les travaux d'aménagement urbain, couplés à la circulation intense, contribuent à la compression du sol, compromettant davantage son aptitude à absorber les précipitations.


Ce processus de compactage des sols entrave significativement l'infiltration des eaux, créant un cercle vicieux où les risques de ruissellement et d'inondation sont exacerbés. Au fil du temps, ces ruissellements érodent progressivement les sols, sapant leur résilience et fragilisant leur structure. En outre, les eaux de ruissellement charrient une multitude de polluants provenant des routes, altérant sévèrement la qualité des ressources hydriques avoisinantes. Cette dégradation progressive de la santé des sols représente un défi majeur pour la préservation des écosystèmes locaux et la sécurité des populations riveraines.


Echangeur autoroutier


Réduire les impacts négatifs


À l'heure actuelle, la proportion croissante d'espaces artificialisés en France suscite une préoccupation grandissante, avec un taux avoisinant les 9 % en 2015. Cependant, cette tendance à l'urbanisation galopante n'est pas irréversible et peut être freinée, voire inversée. Une solution prometteuse se dessine à travers le concept de renaturation, qui offre la possibilité de restaurer des zones artificielles en espace naturel. La renaturation implique une série d'étapes visant à rétablir le fonctionnement des écosystèmes environnants. Cela passe notamment par la désimperméabilisation des sols, la déconstruction des infrastructures existantes (ex : débitumer les cours d'écoles, les parkings, les places...), ainsi que la dépollution des terrains concernés. Plusieurs municipalités françaises se lancent dans de tels projets de renaturalisation, à l'image de Niort, qui entreprend la reconversion de sa place centrale en un vaste jardin verdoyant.


Ces initiatives locales s'inscrivent dans un projet global plus vaste, baptisé ZAN (zéro artificialisation nette), visant à neutraliser l'accroissement des zones artificialisées. En s'appuyant sur des travaux de renaturation, ce projet ambitieux vise à parvenir à une neutralité nette en matière d'artificialisation d'ici 2050. La politique publique "Zéro artificialisation nette" vise à limiter l'expansion des zones urbanisées en compensant toute transformation des sols par des actions de renaturation équivalentes. Son objectif est de maintenir un équilibre entre développement urbain et préservation des espaces naturels, en favorisant la biodiversité et en luttant contre le changement climatique. Cette approche implique des mesures strictes de réglementation de l'utilisation des sols, ainsi que des incitations à la reconversion des espaces dégradés.


Cette démarche de lutte contre l'artificialisation des sols intègre également des mesures spécifiques concernant les routes et les infrastructures de transport. Elle encourage la réduction de l'impact des nouvelles constructions routières sur les espaces naturels en privilégiant des solutions telles que la réutilisation des infrastructures existantes, la mise en place de corridors écologiques le long des voies de communication, ou encore la compensation des terrains perdus par des actions de renaturation. Cette approche vise à minimiser la fragmentation des habitats naturels et à préserver la biodiversité tout en assurant la mobilité des populations et le développement économique.


Autoroute

A69, un projet emblématique


C'est dans ce contexte que la construction de l'autoroute A69, cristalise les tensions après avoir été initiée 25 ans plus tôt. Ce projet d’autoroute reliant Castres à Toulouse est considéré comme nécessaire par certains pour désenclaver la zone et créer de l'activité. Tandis que d’autres pointent les atteintes importantes et irréversibles causées à l’environnement, qu’ils n’estiment pas compensées par son intérêt socio-économique. L'absence de nécessité de cette autoroute est particulièrement renforcée par le constat d'un impact économique limité, tel que révélé dans le rapport d’enquête publique sur l’A69. Les bénéfices potentiels en termes de développement économique ne semblent pas à la hauteur des investissements massifs nécessaires à sa construction.


La fragmentation et la dégradation des habitats, résultant de ce chantier, suscitent de vives préoccupations et résistances, notamment de la part de nombreux acteurs de la société civile (ONGs, scientifiques, collectifs de riverains...). Malgré les promesses du concessionnaire de l'autoroute de compenser ces pertes en recréant de nouvelles zones propices à la vie, telles que les zones humides, cette démarche est accueillie avec scepticisme : reconstruire ce qui a été détruit ailleurs, notamment des habitats naturels anciens, est souvent irréalisable à court terme, compromettant ainsi la biodiversité locale.


Enfin ce projet prévoit la fabrication de deux centrales de production d'enrobés de construction routière à partir de granulats et de bitumes, suscitant une forte opposition. Ces installations émettrices de fumées toxiques contenant des molécules telles que le benzène ou le benzo(a)pyrène, sont connues pour leurs effets néfastes sur la santé. Malgré les tentatives de filtration, ces substances demeurent dangereuses, comme le démontre l'exemple de Saint-Rogatier, où la proximité d'une centrale similaire a été associée à une augmentation des cas de cancers pédiatriques.


L'A69 suscite des préoccupations majeures en raison de son impact environnemental et sanitaire. Des alternatives telles que le projet "Une Autre Voie", plus respectueuses de l'environnement et favorisant d'autres mobilités, émergent, offrant une meilleure préservation de la biodiversité et une réduction des impacts négatifs sur l'environnement et la santé humaine.


Projet alternatif A69
À gauche, la future A69. à droite, le projet du collectif La voie est libre

Zéro artificialisation nette


Il apparait aujourd'hui essentiel que les décideurs intègrent toutes ces dimensions et explorent des alternatives respectueuses de l'environnement et de la santé publique pour assurer un développement des territoires durable et enviable.


L'artificialisation des sols présente des impacts environnementaux considérables à plusieurs égards. Elle affecte négativement la biodiversité en altérant les habitats des espèces locales, tout en contribuant à l'émission accrue de gaz à effet de serre, notamment de CO2, résultant de la construction, de la transformation des sols et de l'augmentation du trafic routier. De plus, elle détériore la qualité des sols en réduisant leur capacité d'infiltration de l'eau, ce qui favorise les inondations et l'érosion, comme pollution des eaux.


L'exemple de l'A69 illustre parfaitement les défis posés par l'artificialisation des sols, en plus des risques potentiels pour la santé publique. Bien que la France connaisse une tendance croissante à l'artificialisation des espaces, il est possible de réduire voire d'inverser cette tendance en limitant l'expansion des zones artificialisées et en favorisant leur reconversion en espaces naturels par le biais de la "renaturalisation". Stopper la tendance actuelle constitue un défi majeur pour la préservation de la biodiversité et de la qualité de vie, nécessitant une transition vers des pratiques d'aménagement et de mobilité plus respectueuses de l'environnement et des écosystèmes.



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