En 2009, une équipe internationale de 26 chercheurs publiait un article dans les revues Nature et Ecology and Society, dans lequel elle identifiait neuf limites planétaires (planetary boundaries) à ne pas dépasser. Ces neuf seuils identifiés avaient pour objectif d'alerter l'humanité sur les conditions d’existence dont dépendent nos sociétés et l'état de ces processus. A l'époque les auteurs considéraient que les seuils étaient dépassés pour trois des sept limites et deux n'avaient pu être quantifiées par manque de données.
Les limites planétaires déterminées sont autant de processus et systèmes qui nous informent sur la stabilité et la capacité de résilience de notre planète :
le changement climatique (et notamment la concentration en CO2 de l'atmosphère)
l'érosion de la biodiversité (en particulier le taux d'extinction des espèces)
les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore (et la modification de ces cycles biochimiques dans les sols et l'eau du fait des pratiques agricoles)
l’usage des sols (établissement d'un seuil maximal de terres libres de glaces convertie en terres agricoles)
l’acidification des océans (augmentation du pH des océans induit par l'augmentation des émissions de CO2)
la diminution de la couche d’ozone (réduction < 5 % dans la concentration en ozone par rapport à l'ère pré-industrielle)
les aérosols atmosphériques (émission de particules fines dans l'atmosphère)
l’usage de l’eau douce (établissement d'un seuil maximal de consommation)
la pollution chimique (introduction de métaux lourds, de composés radioactifs, d'entités nouvelles dans la biosphère).
En 2015, ces scientifiques ont publié, dans Science, une actualisation de leurs travaux, qui conclut que quatre limites planétaires étaient dépassées, ou sur le point de l’être :
Tous ces processus sont corrélés à des facteurs favorisant le dérèglement climatique et la dégradation des écosystèmes. De plus des interactions et synergies entre ces limites sont également possibles, renforçant leurs impacts. Celles-ci ne devant pas être sous-estimées.
De même que l'inertie des systèmes naturels actuels qui, même si les émissions mondiales de gaz à effet de serre s’interrompaient demain, pourraient suffire à perturber durablement le climat mondial.
Les chercheurs insistent fortement sur les risques liés au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité, qui pourraient « entraîner le système terrestre vers un nouvel état ». Un état potentiellement destructeur pour la planète telle que nous la connaissons, et plus particulièrement pour les êtres vivants qui la peuplent aujourd'hui.
La France dépasse 6 des 9 "limites planétaires", selon un rapport du gouvernement sur le climat et la biodiversité.
Depuis 1994 la France publie tous les quatre ans un rapport sur l'état de l’environnement de son territoire. Il examine les limites planétaires que l'espèce humaine doit impérativement prendre en compte et aborde les grands enjeux écologiques actuels. Sa dernière édition date d'octobre 2019 et est accessible dans sa globalité sur le site Vie publique.
La première limite dépassée est celle du changement climatique avec des émissions de CO2 qui devraient diminuer de près de 50% pour espérer limiter le réchauffement de la planète à + 2 °C. Un chiffre qui devrait même être réduit de 75% si l'on intègre les émissions liées aux importations (empreinte carbone).
La deuxième concerne l'érosion de la biodiversité dont l'évolution est jugée très préoccupante selon l’indice Liste Rouge (de l’UICN), en métropole comme dans les outre-mers.
La perturbation des cycles de l’azote et du phosphore est également pointée avec le dépassement de seuils localement et des problèmes d’eutrophisation.
L’utilisation des sols est une limite en trompe l’œil pour la France puisque sa surface boisée augmente et ses terres agricoles diminuent. La forêt française qui est souvent présentée comme en bonne santé du fait de sa progression est en fait majoritairement composée de monocultures où sols et biodiversité sont durablement malmenés. Enfin au-delà de ses frontières, la France contribue également à la déforestation mondiale via ses importations. Ainsi, l’empreinte écologique de la France liée aux importations de matières premières agricoles et forestières s’élevait à 14,8 millions d’hectares en 2016.
La cinquième limite est celle de l'acidification des océans dont les effets sont déjà marqués sur la faune et les écosystèmes marins.
La dernière limite dépassée constitue celle de l'exploitation de l’eau. Son prélèvement en été (notamment pour le refroidissement des centrales nucléaires ou pour l’agriculture) au-delà des volumes d’eau renouvelables disponibles va devenir de plus en plus problématique avec les périodes de sécheresses.
Si en 1972, lors de la diffusion du rapport Meadows sur la croissance et ses limites, la problématique était de montrer comment éviter le dépassement, en 2020 l’enjeu est désormais de revenir dans les limites de la planète.
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