En cette période de confinement, où les bienfaits observés pour l’environnement et la biodiversité se multiplient, force est de constater qu’au même moment, notre activité digitale a totalement explosé : entre messages à nos proches, partage de la dernière vidéo humoristique du jour, apéros Zoom et utilisation massive de Netflix, tout ceci est-il vraiment sans impacts pour la Planète ? Hélas non…
Moins médiatisée que la pollution générée par l’activité industrielle, par les transports, par l’alimentation ou encore par les déchets, et grande absente du Green Deal Européen, la pollution numérique contribue pourtant de plus en plus fortement au dérèglement climatique. Selon les dernières études, le digital devrait dépasser en 2020, la barre symbolique des 20% de la consommation électrique mondiale. Cela rend ce secteur responsable de plus de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et sa consommation d’énergie s’accroit de 8% par an. Dans un objectif de neutralité carbone en 2050, il semble évident que la digitalisation exponentielle de notre quotidien est totalement antagoniste avec les enjeux climatiques.
Le numérique allié ou ennemi du Climat ?
Dans de nombreux secteurs, on considère aujourd’hui que l’évolution des technologies va permettre d’augmenter l’éco-efficacité énergétique et des ressources et, in fine, de réduire la consommation globale : on parle de « Smart-building » pour les bâtiments, « Smart-mobility » pour les transports ou encore de « Smart-farming » ou « Smart-water » dans l’agriculture, etc…
Malheureusement, ces intentions louables ne doivent pas faire oublier le coût carbone du Numérique : de nombreux postes représentent aujourd’hui des gouffres énergétiques et viennent douloureusement accroître la facture climatique du secteur. En 2017, le Think Tank «The Shift Project» estimait comme suit, la répartition de la distribution de la consommation électrique du Numérique :
Arrêtons-nous quelques secondes sur ces différentes catégories :
Les datacenters sont des centres de stockage et d’exploitation des données. Ils hébergent et stockent nos données, nous permettent d’y accéder, de surfer sur le net ou encore d’alimenter nos applications. Ils fonctionnent 24h/24 et 7 jours/7 sans aucune interruption… Ils sont extrêmement énergivores, notamment à cause de la concentration des équipements, les réserves d’énergie, le besoin de connexion internet puissante, ou encore le refroidissement. 40% de la consommation électrique des datacenters n’est d’ailleurs utilisée que pour les refroidir ! Ils posent aujourd’hui un véritable problème aux scientifiques souhaitant rendre plus « green » l’ensemble des technologies de l’information.
Ordinateurs, TV et autres terminaux : le coût carbone de fabrication de ces équipements est considérable… La fabrication d’un ordinateur requière par exemple plus de 16 fois son poids en matériaux ! Et certains appareils ou composants sont encore plus gourmands… Ces processus de fabrication entrainent un épuisement des ressources de la Terre (notamment des ressources rares) et différentes sortes de pollutions (air, eau, terre). Par ailleurs, force est de constater que notre quotidien est de plus en plus « connecté » : domotique, bracelet mesurant l’activité sportive, enceintes Bluetooth… les équipements « intelligents » sont en explosion, leur nombre augmente de plus de 60% par an ! Outre le coût énergétique de fabrication, ils accroissent d’autant le nombre de données à échanger, stocker et analyser.
Smartphones : leur volume de production et de vente ne cesse d’augmenter (près de 11% par an), et il en va de même pour leur complexité technologique. Nos smartphones sont de plus en plus puissants, rapides, riches en fonctionnalité et consomme un nombre toujours plus croissant de données.
Les réseaux informatiques permettent la collecte et le transport des données : ils sont un peu comme des « fleuves » numériques dont les données seraient les gouttes d’eau. Avec l’augmentation du nombre d’équipements connectés et leur complexification technologique, le niveau de ces fleuves ne cessent donc d’augmenter et leur débit doit être de plus en plus fort pour répondre aux besoins des utilisateurs.
Quelques chiffres pour se rendre compte...
Une requête sur un moteur de recherche représente la consommation d’une ampoule basse consommation allumée pendant 1 heure ;
Envoyer un mail de 1 Mo à une personne équivaut à une consommation électrique de 25 Wh, soit 1 heure d’utilisation d’une ampoule de 25 W ;
Près de 10 milliards de mails sont envoyés toutes les heures, hors spams ;
Le streaming vidéo représente 60 % des flux de données sur internet, en raison du poids des médias. Un film comme Pulp Fiction, proposé par Netflix en très haute résolution (4K), pèse ainsi autour de 10 giga-octets, soit 200 000 fois plus qu'un email sans pièce-jointe (50 ko) ;
La consommation mondiale de streaming vidéo (VoD, pornographie, clips musicaux, etc.) émet chaque année 300 millions de tonnes de CO2. Une pollution numérique équivalente à celle d’un pays comme l’Espagne ;
15 000 kms, c’est la distance moyenne parcourue par une donnée numérique (mail, téléchargement, vidéo, requête web…) ;
Un salarié au travail devant un ordinateur représente chaque jour la consommation électrique de 80 ampoules et de 9 kms en voiture en termes d’émission de gaz à effet de serre ;
10 kgs de CO2 sont émis par an et par utilisateur pour les requêtes sur les moteurs de recherche, alors que l’on pourrait réduire de 5 kgs en utilisant des mots-clés et des favoris !
A la lecture de ces explications, on se rend bien compte que le Numérique est loin d’être vertueux d’un point de vue environnemental, malgré la contribution qu’il pourrait apporter dans certains secteurs. Pire, le Numérique tire un véritable empire économique derrière lui et un écosystème très large d’acteurs et d’entreprises. Or on le sait… conscience écologique et recherche de profit font rarement bon ménage ! Pourtant c’est également un fort levier de développement social et économique pour les pays les moins favorisés…
Outre les aspects économiques, le digital a aujourd’hui envahi notre mode de vie, et continue son inexorable développement. La réduction de l’impact carbone de ce secteur ne sera pas possible sans une véritable prise de conscience des consommateurs.
Vers la sobriété numérique : que pouvons-nous faire, nous les consommateurs ?
Pour contenir la hausse du climat à 2°C d’ici à 2050, il est urgent d’agir sur notre façon de consommer et vivre avec le Numérique. L’augmentation incessante de ses émissions de gaz à effet de serre (8% des émissions mondiales prévues en 2025) est non seulement incompatible avec la feuille de route climatique, mais va venir annuler à moyen terme près de 20% des efforts fournis par les autres secteurs (source : « Rapport pour une sobriété numérique du Shift Project »).
Pour que chacun puisse être acteur de la sobriété numérique, nous vous proposons ci-dessous quelques conseils, faciles à appliquer dans notre quotidien.
On garde nos équipements et on en limite le nombre
Si les gouvernements se mettent doucement en ordre de marche pour lutter auprès des fabricants contre l’obsolescence programmée et le coût environnemental des processus de fabrication, les consommateurs ont un vrai rôle à jouer à leur niveau (source : ADEME) :
Faire durer les équipements : passer de 2 à 4 ans améliore de 50% le bilan environnemental d’un ordinateur ou d’une tablette. Cela implique bien entendu de ne plus céder aux effets de mode ou aux promotions des grands fabricants…
Recycler, penser solidaire : si le changement de son équipement est une vraie nécessité, alors on pense à la vente de seconde main, au troc ou au don et on privilégie le rachat d’appareils reconditionnés ou, à minima, porteurs de labels environnementaux ;
Privilégier la réparation au remplacement, prendre soin de ses équipements (y compris en les protégeant de malwares et autres virus) ;
Limiter le nombre d’équipements achetés à nos vrais besoins et privilégier les appareils multifonctions (ex : les imprimantes- photocopieurs-scanners) ;
On diminue notre consommation d’énergie
Éteindre tout appareil que l’on n’utilise pas pendant plusieurs heures (y compris ordinateur de travail), ou à minima les mettre en veille ;
Ne pas laisser d’appareils sur chargeur lorsque les batteries sont pleines et débrancher également les chargeurs pour éviter la surconsommation et étendre la durée de vie de la batterie ;
Ajouter les sites régulièrement consultés en favoris afin d’éviter de devoir faire une recherche à chaque fois ;
Limiter le nombre d’onglets ouverts sur internet : la majorité des navigateurs rafraîchissent les pages ce qui consomme de l’énergie et de la mémoire ;
Une gestion responsable des mails
Limiter le nombre de mails envoyés en privilégiant dès que possibles les échanges physiques, par téléphone ou par Skype ;
Cibler les destinataires des courriels et ne mettre en copie que les personnes pour lesquelles cela s’avère pertinent ;
Optimiser la taille des fichiers envoyés (fichiers compressés, images et PDF basse définition) et privilégier dès que possible les répertoires partagés ;
Effectuer un tri régulier de mails en ne conservant que ceux utiles : on supprime immédiatement les spams et on vide sa corbeille régulièrement ;
On réduit notre consommation de données et on change nos (vilaines petites) habitudes
Le « Cloud » est un immense réservoir de réseaux et de serveurs localisés à distance, auxquels on accède via des liaisons internet sécurisées. Si d’un point de vue technologique, son développement fut une avancée majeure, d’un point de vue environnemental la note est malheureusement salée !
Abstrait, impalpable, il donne l’impression d’être un espace infini, éthérique (merci le nuage), libéré de toute contrainte physique et de fait, nous avons la mauvaise habitude d’y accumuler, et surtout d’y oublier, un nombre croissant de documents, photos, vidéos,… Pourtant le Cloud n’a rien de nuageux et est même bien physique ! Les données qu’il héberge se trouvent sur des serveurs et des unités de stockage bien réelles, au sein de datacenters, dont nous avons expliqué précédemment le coût énergétique de fonctionnement. De plus, pour accéder aux données stockées dans le Cloud, de nombreux aller-retours invisibles s’effectuent entre les appareils des utilisateurs et les serveurs d’hébergement : ceux-ci consomment énormément d’énergie. A titre d’exemple, le visionnage d’une vidéo en ligne de 10 minutes disponibles par le « Cloud » consomme autant d’électricité qu’un smartphone sur 10 jours !
Alors voici quelques gestes simples à adopter sans plus tarder pour rendre ce « nuage de données » un peu moins lourd :
C’est le printemps, alors on procède à un grand ménage de tous nos documents stockés dans le cloud (PC, smartphone, tablette etc…) et on n’y stocke que le nécessaire : on garde le reste en local (nb : cela implique également de supprimer tous les gifs animés utilisés sur les différentes applications de chat) ;
On limite notre consommation de musique et vidéos en ligne : on privilégie le téléchargement et on nettoie après utilisation. Si vraiment cela n’est pas possible, alors on privilégie le visionnage de films en basse définition, en dernière option : on remet en cause la nécessité de voir le média et on cesse de surconsommer ;
Si l’on ne possède pas de version téléchargée ou de CD, on préfère écouter la musique sur des plateformes de streaming plutôt que de visionner des clips vidéos (qu’on ne regarde pas dans la majorité des cas) ;
On bloque la lecture automatique de vidéos sur les réseaux sociaux : si cela met un peu d’animation dans notre fil d’actualité, c’est autant de milliers d’échanges de données qui se mettent en route entre votre appareil et les datacenters…
On évite l’utilisation de la 4G (et bientôt de la 5G) pour lire des vidéos : Selon l'ONG Greenpeace, la 4G consomme 23 fois plus d’énergie que le WiFi. En cette période où nous sommes tous à la maison, il est d’autant plus facile d’utiliser nos propres connexions ;
Il n’est pas toujours simple de comprendre les imbrications étroites entre technologie et écologie, si vous avez des doutes sur votre façon de « consommer » du digital, ou ne sachez simplement pas par où commencer pour tendre vers la sobriété numérique, n’hésitez pas à nous contacter !
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