Le jour du dépassement était le 14 décembre en 1972, le 19 novembreen 1982, le 15 octobre en 1992, le 21 septembre en 2002, le 4 août en 2012 et malheureusement, le 28 juillet en 2022. D’année en année, cette date ne cesse d’être de plus en plus tôt. L’Homme en est à l’origine et nos modes de vie et de consommation en sont la principale cause. Le jour du dépassement est une date symbolique. Elle reflète notre empreinte toujours plus forte sur nos ressources naturelles (ce que la Terre peut nous offrir) et les pollutions générées par nos activités. Malheureusement, nos modes de vie et de consommation sont à l’origine de l'arrivée de plus en plus prématurée du jour du dépassement.
Qu’est-ce que le jour du dépassement ?
C’est la date à partir de laquelle l'humanité a consommé (empreinte écologique) l’ensemble des ressources que la Terre peut reconstituer en une année (biocapacité). A partir de cette date, les émissions de carbone causées par notre société modernene pourront plus être absorbées par nos forêts et nos océans. Par ailleurs, les ressources produites par notre planète auront été totalement consommées par la population mondiale.
Comment est-il calculé ?
Il est calculé par le Global Footprint Network. Il s’agit d’une organisation internationale à but non lucratif fondée en 2003 qui développe des outils pour faire progresser le développement durable et l’empreinte écologique. Pour déterminer la date du Jour du dépassement de la Terre, Global Footprint Network calcule le nombre de jours où la biocapacité de la Terre suffit à assurer l'empreinte écologique de l'humanité.
Chaque année, l’ONG Global Footprint Network se base sur près de 3 millions de données statistiques. Le jour du dépassement de la Terre est calculé en divisant la biocapacité de la planète, par l'empreinte écologique de l'humanité (la demande de l'humanité pour cette année-là), et en multipliant par 365, soit le nombre de jours dans une année :
(Biocapacité de la Terre / Empreinte écologique de l'humanité) x 365 = Jour de dépassement de la Terre
Ainsi, en 2022, le jour du dépassement est daté au 28 juillet : depuis cette date l’humanité creuse son déficit dans plusieurs composantes de son empreinte écologique. Comme le souligne le WWF, pour régénérer et donc compenser ce que l’humanité consomme, il nous faudrait l’équivalent de “ 1,75 Terre ” en termes de surface.
Des causes majeures
Pour preuve que les activités humaines sont bien en cause : en 2020, la crise sanitaire a fait reculer le jour du dépassement de 3 semaines, le fixant au 22 août. En effet, les différents confinements successifs ont été des facteurs clés de ralentissement de la vie. Les crises énergétiques (1973 & 1979) et financière (2008) ont également favorisé des périodes d’accalmie. La situation nécessite une prise de conscience générale qui doit impliquer l’ensemble de nos sociétés. Notre système agricole ainsi que notre alimentation sont tenus pour majeurs responsables du dépassement. Aujourd’hui, 55% de la biocapacité de la planète Terre est utilisée pour nourrir l’humanité. Nos régimes alimentaires nécessitent d’immenses surfaces de culture. A titre d’exemple, la surface nécessaire pour la production de nourriture pour un français moyen qui consomme de la viande une fois par jour est estimée à 4.800 m² par an par l’ADEME en 2021. De la même manière, nos pratiques alimentaires rejettent d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de méthane, principalement dues à l’élevage intensif de ruminants, et le protoxyde d’azote sont responsables de 24% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Quelles solutions ?
Le passé ne détermine pas nécessairement notre avenir. Ce sont nos choix présents qui dessineront notre futur proche. Grâce à des décisions judicieuses, nous pouvons inverser les tendances en matière de consommation des ressources naturelles tout en améliorant la qualité de vie de tous.
Il faut trouver un équilibre entre les capacités de la Terre et les besoins des sociétés. Pour cela, il est nécessaire que l’humanité entière limite l’exploitation des ressources naturelles offertes par notre planète. Chacun doit, à sa manière, agir en freinant sa consommation à toutes les échelles. Une nouvelle ère ouvrant de nouvelles perspectives de modes de production doit aussi être une mesure mise en place par les gouvernements des différents pays. Le Global Footprint Network met en avant 5 domaines clés où le changement peut s’opérer : planète, ville, énergie, alimentation, population. Ces thématiques sont toutes étroitement liées aux 17 objectifs du développement durable établis par l’ONU.
De manière plus précise, si on s’intéresse au premier domaine cité, l’objectif est de garantir une Terre « enbonne santé », capable de subvenirà nos besoins actuels et futurs. Pour cela, il faut réduire la demande humaine et préserver le système de soutien de la vie de notre planète. Des efforts de conservation peuvent être mis en place pour protéger les espaces sauvages. De la même manière, la restauration d’habitats ou d’écosystèmes pourrait être instaurée comme le suggère l’organisation. De nombreux écosystèmes ont été et sont toujours surexploités.
Un autre point essentiel est mis en avant, celui d’une agriculture régénératrice et d’une pêche durable permettant de concilier une gestion pérenne des ressources et la consommation alimentaire mondiale L’empreinte écologique de l’alimentation est considérable : plus de la moitié de la biocapacité de la planète est utilisée pour nourrir l’humanité. Le modèle d’agriculture intensif érode la base des ressources naturelles. Les gouvernements devraient s’éloigner des systèmes de monocultures polluants, dopés aux engrais et pesticides, pour tendre vers des pratiques agroécologiques, par exemple en subventionnant l’agroforesterie, en réduisant l’usage des intrants chimiques ou encore en sortant de l’élevage industriel…
Pour la deuxième thématique, plusieurs points clés pourront permettre d'accéder à un équilibre. Par exemple, la réduction de l'impact environnemental négatif par habitant dans chaque ville permettrait un premier pas. En effet, déployer et/ou développer des systèmes de transport accessibles, publics et durables s’avère une stratégie gagnante qui peut être adoptée à l’échelle de chaque commune.
Concernant les énergies, l’humanité toute entière est consommatrice de carbone. Ainsi, la décarbonisation de l'économie est notre meilleure chance de lutter contre le changement climatique. Les pays devraient inscrire les énergies renouvelables dans leurs lignes directrices voire leurs priorités conformément à L’objectif du Développement Durable n°7. Malheureusement, à l’échelle planétaire, le bouquet énergétique mondiale est actuellement dominé à plus de 80% par les énergies fossiles.
Plusieurs problèmes sont posés par l’alimentation mondiale. En effet, il y a une sorte d'inefficacité et de paradoxe des ressources dans la production alimentaire : la production de calories animales nécessite beaucoup plus de ressources que celle de calories végétales. La problématique étant que l’agriculture actuelle est très gourmande en combustibles fossiles. Par exemple, il faut 5 calories de combustible fossile en Belgique pour fournir une calorie de viande.
Un autre problème majeur posé par notre société actuelle est le gaspillage alimentaire. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), environ un tiers de la nourriture produite dans le monde pour la consommation humaine, soit 1,3 milliard de tonnes par an, est perdue ou gaspillée. Notre comportement de consommation individuel est le premier facteur de gaspillage. Plus de la moitié du gaspillage alimentaire a lieu au cours de la consommation des produits en Europe, contre 23% à l’étape de production. France Nature Environnement (FNE) révèle que les Français jettent en moyenne 20kg de nourriture par an, dont 7kg de produits non déballés. Le gaspillage augmente aussi, de manière indubitable, la quantité de déchets produits. Or, la plupart des systèmes de traitements utilisés aujourd’hui, comme les décharges ou l'incinération, génèrent de la pollution dans l'air, dans l'eau et dans les sols. Le gaspillage a également des répercussions financières conséquentes : selon la FAO, cette perte a un coût de près de 1.000 milliards de dollars (900 milliards d'euros) chaque année. Réduire notre consommation de protéines animales permettrait de diminuer d’au moins 30% les gaz à effet de serre (GES) provenant de l’alimentation et de 46% la disparition de la faune sauvage. Adopter un régime alimentaire durable, réduire notre consommation de produits transformés ou d’origine animale permet également de diminuer les pressions anthropiques sur les écosystèmes naturels qui sont détruits ou convertis en culture et d’élevage. En novembre 2022, nous avons atteint les 8 milliards d’habitants sur la Terre. Malgré l'inégalité de nos empreintes respectives, la pression sur la planète augmente avec la population et de manière forte. De nombreux écosystèmes sont menacés par l’urbanisation. Malheureusement, « le rythme actuel de l’artificialisation des sols est considéré comme non soutenable car largement supérieur à la croissance démographique et économique. »
Même si l’avenir semble déjà tout tracé et irréversible, il n'est pas trop tard ! Chacun peut agir à son niveau et influer sur les conditions de vie des prochaines décennies. C'est maintenant que nous devons engager un passage massif à l’action et appeler à la responsabilité individuelle pour faire reculer cette date fatidique du jour du dépassement. Pour éviter l’impasse écologique, des changements drastiques s’imposent : diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030, réduire de moitié le gaspillage alimentaire, réaliser 700 000 rénovations complètes chaque année, développer les énergies renouvelables ou encore recourir massivement aux mobilités décarbonées avec un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Ainsi l’ONG WWF a proposé plusieurs mesures et scenarios répondant à la « planification écologique » promise par Emmanuel Macron au moment des élections présidentielles. A titre d’exemple : si nous parvenons à diviser le gaspillage alimentaire par deux à l'échelle de la planète, nous gagnerions dix jours.
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